vendredi 15 mai 2009

Mémoire d´un temps révolu...

...Celui où l´on ne devait mettre un réveil qu´occasionnellement (en général le lundi matin pour se rendre à la session du "Ralet Ralet", une activité d´initiation musicale pour bébés), où les journées étaient pleines mais passaient vite, où l´on savourait le soleil autant le mardi que le dimanche, où l´on n´attendait ni ne prenait le train, où l´on vivait chaque moment de l´enfance de façon exclusive et pleine, où l´on partait sur les chemins avec le bébé en écharpe, où l´on décidait le matin de prendre "l´oeuf" jaune pour monter dans les airs et atteindre le monastère de Montserrat - comment dit-on en français, ici c´est le "teleaeri" ?, où l´on recevait la visite inopinée d´un ami revenant de Mauritanie (Philippe) avec son camion bariolé orange, où l´on allait revoir nos chèvres et moutons bienheureuses dans leur nouveau grand troupeau et où on inventait mille stratégies pour faire des choses en ayant toujours les bras pris. Les premières fois où on a laissé Solenn à sa nounou ou à la crèche j´avais l´impression que le temps était extensible à profusion et que je ne savais plus qu´en faire. Je faisais tout au pas de course. Les premiers jours de travail mi-mars, j´avais d´ailleurs fini en 2 heures ce que j´aurai dû faire en 8 et me demandai "mais alors maintenant quoi ? je peux pas rentrer chez moi et voir ma petite ?". Mais non , socialement, ça ne se fait pas, même si l´expérience de la maternité rend ultra-efficace et rapide (les patrons devraient revoir leur jugement quand ils doutent d´engager une femme en se disant que quand elle deviendra mère elle ne sera plus aussi disponible : car certes les aspirations au "travail buissonnier" sont plus fortes mais le temps où l´on est là, on abat une somme de travail telle une bête de somme et on est du coup vraiment optimale).


Bref...ce temps de "l´avant", je tenais à le raconter et l´illustrer avant de donner des nouvelles plus récentes. Car loin de moi l´intention de n´écrire plus que sur Solenn mais cet "arbre à plumes" s´est doté de fruits réels et finalement, ce qui m´inspire et se transforme en écrit est toujours lié au présent : voyages, récits ponctuels, expériences nouvelles...Il va sans dire qu´outre cet intérêt presque exclusif et amoureux sur cette expérience et cet être-là, je n´ai guère le temps de me lancer dans un autre projet, de fiction par exemple. La réalité est nettement plus intéressante dernièrement et puis je crois que c´est dommage de ne pas l´observer à la loupe, la décrire, la partager...en retenir des bribes, des instants, des joies pour les transmettre aussi aux parents et amis qui sont loin.
Je remonte donc dans le temps et revient à la fin février, là où je m´étais arrêtée dans le précédent article : initialement je devais reprendre le travail le 11 mars. Après le voyage à Paris mi-février et voyant le mois de mars s´approcher j´ai été comme prise de panique et j´ai décidé, une semaine après, de refaire mes valises et de repartir - comme pour "conjurer le sort" et profiter de ces derniers moments de liberté. Cette fois j´ai pris la direction de "Moncoët", destination fort connue s´il en est, et il est sans-doute même inutile de préciser que ce "lieu-dit" se trouve dans le Tarn et Garonne : ici vivent mes très chers amis Cath et Nico et j´allais recontrer leurs deux petits jumeaux - Lilo et Kyra - nés une semaine après Solenn. On peut voir sur ces photos que cette dernière était bien potelée à cette époque et que lorsque l´on est partis les trois se ballader avec chacun un bambin dans l´écharpe les 2 petits se faisaient un peu moins remarquer que ma petite boule ! D´ailleurs j´ai été impressionnée par Lilo et Kyra : quand ils râlaient ou pleuraient, c´était d´une petite voix très douce et quand je suis allée les voir le premier matin à leur réveil, ils étaient tout tranquilles dans leur berceau, observant leur mobile, patientant. Voilà des bébés civilisés, me suis-je dit, tandis que Solenn continuait à prouver à la terre entière et au canton de Moncoët qu´elle avait du coffre et un tempérament bien trempé. Mais, rendons lui justice, Nico l´a trouvée très gracieuse et il est vrai que Solenn sourie beaucoup ; en fait elle passe d´un extrême à l´autre : de la joie frénétique et exaltée à la colère la plus noire. Quand elle aura une meilleure maîtrise de son corps et des mouvements, je ne doute pas qu´elle se lancera volontiers au sol et se roulera dans tous les sens : ses pleurs dictent cela, Solenn, c´est Sarah Bernhardt, surtout si on ne lui fait pas cas.
Anne, que nous avons vu à Toulouse au retour, a une explication à ce sujet : Solenn se fâche et s´exprime par ces cris stridents loin de laisser indifférents car elle n´a pas encore la capacité à s´exprimer avec des mots. Cela la frustre énormément. Soit.

Ceci dit, elle est bavarde et le langage n´est pas si étranger à elle. Je dirais même qu´elle a de la verve. Depuis qu´elle a découvert qu´avec "Da da da", alternés de "Ta da da", on pouvait à peu près tout dire, elle s´en donne à coeur joie. Il suffit en fait de changer d´intonation et ces syllabes magiques servent à la fois à commenter, interroger, revendiquer ou se fâcher. Le problème est quand elle décide de converser à 3 ou 4 heures du matin. Cela commence doucement, comme un chuchotement "ta da da..." puis ça monte en crescendo pour finir en opéra. Et là, il faut parlementer pour expliquer à notre conférencière exaltée qu´il y a des moments pour tout - et que bavarder et dormir ne font pas bon ménage, en tout cas pour ses parents. De fait, elle propose des alternatives : cette nuit par exemple, c´était l´acrobatie. Elle me montrait qu´après avoir tété en position sur le côté, elle trouvait très amusant de faire la pirouette et de se mettre sur le ventre en position yogi de cobra et en ondulant des fesses pour essayer d´avancer : "TA DA DA !!!" (="T´as vu ça ?") - "Solenn, petit soleil, il est 4h30, le grand soleil il est pas encore levé..." - "Da da" (=et alors ?)- "A écouter français, castillan et catalan, tu décides de parler russe, c´est cela ?" - da aaaaaaaaah ! (ça c´est le da suivi de l´éclat de rire). Bien, cette vivacité du langage - et des mouvements - lui a valu le surnom de "fusik" de la part de Marie-Lou ; je ne sais pas si je l´orthographie correctement mais c´est un mot occitan qui veut dire "qui bouge beaucoup, vive". Avec ce tempérament, les siestes dans la journée restent fort rares et très courtes : la mistinguette recharge ses batteries en un tour de main. Les petits bruits aigus qu´elle produit - prémices du langage articulé - ont également inspirés à Marie-Lou et Philippe le deuxième surnom de "ménate". Quand elle n´est pas dans cette gamme de sons aigus, intriguée par un objet devant elle, Solenn "tronçonne" (= rhhmmm hrrrmmmm rrrrhhmmmm).
Bon mais tout ceci c´est maintenant. Voilà ce que c´est de ne pas être ponctuelle dans les nouvelles. Les photos que je mets aujourd´hui sont de février en fait, Solenn n´avait pas encore 4 mois. Ici à gauche, nous étions à l´expo de photos de Sergi Bernal (vous vous en souvenez, le compagnon d´Eli et papa d´Ariadna née 15 jours avant Solenn ?) : des photos de Chine, très belles, la voilà déjà dans le voyage et en Asie !
Mais attention ce n´était pas sa première expo ! Elle avait fait ses "premiers pas" culturels à Paris à la Halle Saint Pierre, guidée par Jean-Michel...Ca l´avait tellement subjuguée qu´elle avait dormi tout le long de la visite...
Février, pour résumer, c´était la fin d´une période qui a été longue et intense, celle des mystérieuses coliques, cris et pleurs incessants le soir jusqu´à des heures avancées, mais le début aussi de riches interactions et de multiples sourires.
Puis il y eut mars, le début de la crèche, la grève du biberon et les repas à la petite cuiller...avril et un séjour à Saint-Sever, avec les deux premières petites dents qui sont sorties, celles du bas. 5 mois, c´était tôt pour se munir de petites scies et mes seins s´en seraient passés encore un petit moment...Mais la nature en a décidé autrement.
Il y eut d´autres événements aussi, des escapades et voyages. Un autre article illustré devra suivre. Je fais un bond entre le mois de février et le joli mois de mai avec une photo prise la semaine dernière par Marie-Lou pour terminer celui-ci. Solenn tronçonne et mon ventre ronchonne...allons "dadaïser"...


Photos : 1. Solenn l´insolente / 2. Chèvres et moutons près de Can Perellonch / 3. Nico avec ses deux petits / 4. Solenn et Lilo / 5. Cath, Nico et moi avec les bébés en écharpe / 6. Anne avec Solenn à Toulouse / 7. Première expo photo / 8. En ballade entre El Bruc et Collbató...

samedi 9 mai 2009

Le temps des cerises...



Le cerisier a changé depuis janvier. Il a fleuri de ses belles fleurs blanches (la photo en témoigne) et maintenant il bourgeonne, promettant de belles cerises gorgées de soleil. A ses pieds les herbes folles ont poussé et font disparaître les chaises du jardin : celui-ci est résolument sauvage, j´aimerais le dompter un peu et lui donner plus belle allure mais le temps du jardinage n´est pas encore arrivé. A vrai dire, le temps est vraiment un casse-tête depuis la reprise du travail. Entre les trajets, les longues journées, suivies des trop courtes soirées avec Solenn et David puis tout ce qu´il y a à faire et qui n´est guère palpitant (tout ce que l´on nomme "tâches domestiques" - lessive, cuisine, vaisselle, ménage - et que l´on devrait plutôt appeler les "tares qui nous domestiquent"), il ne reste que de trop rares moments où l´on tente avant tout de profiter de l´instant présent : promenades, jeux, retrouvailles avec des amis, petit déjeuner sur une terrasse de café, ou une sieste partagée...car la fatigue, évidemment, est assez grande et frustrante. La nuque et le dos tiraillent quand on donne le bain, on s´écroule de sommeil quand on voudrait faire des activités "d´éveil" avec notre petite, on perd patience quand elle nous réclame à grands cris alors qu´on essayait d´avaler la première cuillèrée de soupe d´un dîner toujours entrecoupé.
Solenn a eu 6 mois le 06 mai. 6 mois intenses, aux émotions vertigineuses et aux expériences palpitantes. Pas de gâteau pour l´occasion, nous étions le soir seules en tête-à-tête car David était à Barcelone et j´ai dû avaler à la va-vite une soupe tiède et des tartines de fromage grossièrement étalées sous les cris de rage de la belle qui trouvait scandaleux de devoir rester dans son petit transat pendant cette opération : bon appétit et joyeux anniversaire ! Le lien de cause à effet entre l´alimentation et la production de lait maternel semble échapper totalement à la conscience de notre petite exigeante. De fait, si l´approvisionnement reste correct, je ne sais guère s´il est si riche nutritivement vu le peu de temps et de confort passé à table et la vitesse à laquelle sont absorbés des plats plus que sommaires. Mais peu lui importe, le bébé réclame et tète goûlument sans rechigner et continue à le faire à des heures incongrues, quand la nuit est bien noire (2 ou 3 h du matin, parfois 4h30) puis quand l´aube se lève, entre 6 et 7, en général 2-3 fois par nuit. Je perds parfois complètement le compteur et n´ai pas toujours la force de regarder l´heure d´ailleurs et je me demande si cela correspond à de réels "appels du ventre" ou de simples "appels de bras"...Quoi qu´il en soit, quand le réveil sonne à 7h15, je ne sais plus exactement à quel "nouveau réveil" j´en suis : est-ce le définitif ou un provisoire ?
Pour l´incongruïté horaire, Solenn tient d´ailleurs de son père (même si certains iront chercher quelques exemples notoires chez son insomniaque de mère...) car celui-ci, comme si c´était trop peu, décide régulièrement à 5 heures du matin - ou à 3, qu´il faut qu´il aille courir car il n´en a pas eu le temps dans la journée. Donc quand ce n´est pas la fille, je demande le père dans la famille des "décalés horaires" . Quand dans la journée, des étudiants bien intentionnés me demandent si "la petite fait ses nuits", je sourie jusqu´aux cernes : "ses quoi ???" et hésite entre un nouveau café ou un déca sucré aux somnifères pour produire un lait planant. La pédiatre l´a confirmé : à 6 mois, un bébé peut tenir toute la nuit sans manger.
Mais ne croyez pas que Solenn se réveille uniquement à des fins purement - et bassement - alimentaires : depuis peu, elle ouvre l´oeil également pour... converser ! En effet, ayant réalisé qu´avec les syllabes "da da da" ou "ta da da", on pouvait tout dire ou presque en variant l´intonation, elle met cela en pratique à n´importe quelle heure du jour...et de la nuit. Je l´entends parfois commencer en chuchotant "da da da, ta da da, daaaaa" puis ça va crescendo, les mains s´agitent, les pieds soulèvent la petite couette, le nounours valdingue et la conversation s´anime "TA DA DA DAAA, DA DA !" - d´une voix traînante et d´outre-lit "Soooleeeeeeennnnn tu m´racont´ras ton rêve demain, d´accooooord ???" - "TADADINDIN !!!" (= Pas question !) - "Si. C´est pas l´heure" ("DATADA!" = Que nenni !) - "Non !" - "DA !" ("ah bon, tu parles russe en plus ??" - "da da..."). Ce genre de baragouignage a le don de réveiller complètement et de provoquer une vive nostalgie des réveils mûs par la simple envie de téter : au moins, là, on avait de quoi lui fermer le clapet et de se rendormir avec elle au creux du bras.
Djamilia avait apporté à Noël un livre qui parlait de l´éveil des tout-petits et distinguait les enfants "hypotoniques" des enfants "hypertoniques". Il va sans dire que concernant la nôtre, je n´ai pas hésité une seconde sur la catégorie à laquelle elle appartenait. Hypertonique et ultrasonique. Noctambule et bavarde. Rigolarde et colérique. Pas de quoi s´ennuyer...

* * *

J´ai beaucoup de retard dans la publication de ces nouvelles de Solenn, supposées être printanières alors que nous sommes en plein été (nous sommes le 30 juillet et je profite de l´examen final de mes étudiants pour accéder enfin à ce blog et mettre à jour des informations largement dépassées !). Il y eut plusieurs facteurs expliquant ce retard : mon ordinateur portable sature et n´accepte plus de photos et ne veut d´ailleurs maintenant même plus reconnaître la carte de l´appareil. Puis ce problème de temps évoqué plus haut. Internet à Collbató mais pas encore al Bruc...bref. Je rattrape le temps et mets ici quelques photos en remontant le cours des derniers mois. Si vous êtes un rien attentifs et doués en calcul vous aurez compris que Solenn n´a plus 6 mois depuis presque 3 mois et approche donc des 9, pour commencer...Elle est sur le point de se déplacer à 4 pattes mais ce n´est pas encore ça, elle se met en position, bascule les fesses d´avant en arrière et avance un genou mais ne sait pas comment faire ensuite et termine en plan "parcours du combattant", s´écrasant à terre puis rampant et soulevant le popotin, les bras faisant le reste. Elle préfère nettement à cet exercice un peu trop "ras les pâquerettes" la station debout d´ailleurs et s´accroche à tout ce qu´elle peut (rebord de banc, petite table ou chaise etc) pour être dressée fièrement sur ses deux jambettes. En terme de coordination elle excelle également dans le signe du "au-revoir" mais un peu en toute occasion et la main vers elle et depuis hier nous l´avons découverte en train de jubiler car elle sait applaudir (avec ses deux mains ou deux objets qui peuvent s´entrechoquer, c´est plus drôle, ça fait plein de bruit).


Côté événements : le 30 avril nous sommes allés fêter le mariage de Candice et Olivier dans le nord de la France. Je n´ai pas sur ma clef USB de photos pour en témoigner mais j´en ajouterai bientôt, une fois que j´aurai dompté mon ordinateur. Nous avons donc repris l´avion (oui oui celui de cette photo....), la voiture, le train, le métro, nous avons festoyé, chanté puis nous sommes allés à Paris où Solenn a pu revoir son papi (sur la photo plus haut) et sa mamie le temps d´une journée. Un petit bain de français pour les oreilles si habituées à la musique catalane (à la crèche, avec la nounou...)


Comme on peut le constater sur les différentes photos, le cerisier est passé de fleuri (début avril) à gorgé de fruits (mi-juin) offrant un brin d´ombre pour des pique-niques champêtres (avec Max et Mélanie sur la photo) puis assailli par de gros oiseaux colorés, assez nonchalants et peu honteux de leur gourmandise voleuse. Rien de tel qu´un arbre pour mesurer le fil du temps.


Il faut préciser d´ailleurs que les "Tadada" de Solenn à 6 mois sont passés par d´autres phases et qu´elle a ajouté à ses vocalises le son "o" : lorsque nous étions à Lisbonne (pour le long pont de la Sant Joan fin juin), elle disait souvent "ayto" (voulait-elle dire "esto" ou "Això", le "ça?" castillan ou catalan ou alors imitait-elle Tiago disant "papa Heitor" ?). Il y a aussi des sons japonisants...Les voici tous les deux sur cette photo, le petit Tiago déjà grand que j´ai connu à l´âge de 5 mois, lorsque nous partagions avec sa maman - Marta - l´appartement d´Eli dans le quartier gothique. Mon plus petit colocataire de l´histoire de toutes mes colocations ! Celui qui - indirectement - m´a initié aux couches lavables et au jeu des pinces à linge à enlever et - si possible - remettre dans leur petit panier...Maintenant un petit frère est arrivé, le petit Tomas - pas si petit que ça d´ailleurs du haut de ses 55 cms et 4,4 kg à la naissance ! Le voici sur cette dernière image...et pour aujourd´hui je devrai arrêter là (il y en a des choses à raconter quand on a pris autant de retard !) car mes étudiants ont fini leurs productions et j´ai donc un joli tas de copies à corriger...demain c´est le dernier jour de ce dur labeur estival et nous serons enfin en vacances !!!