samedi 27 février 2010

Chapi-chapeau

Un dimanche à la campagne...Solenn aime mettre sur ses yeux un chapeau, une casserole ou tout ustensile masquant la vue.

Petita pescadora

J´ai commencé à écrire un texte et je me suis rapidement rendu compte que je n´étais pas du tout inspirée, que les mots n´affluaient pas du tout naturellement comme ils ont l´habitude et la docilité de le faire et que j´allais m´enfoncer dans les sables mouvants d´un dire empêtré. Donc je choisis de publier simplement des images et leurs légendes, ça suffira. Les mots reviendront bien un jour...






1. A la table d´une auberge rurale, l´air "western".



2. L´appétit ne pose plus de problème. Mais Solenn a une prédilection pour les céréales (pain, riz, pâte) et les aliments déconseillés par les pédiatres à son jeune âge : ce qui croque (les chips, les galettes de maïs de préférence les plus salées) et ce qui est noir (le chocolat la met dans des états indescriptibles).





3. Dans sa classe de petits pêcheurs.








4. En revenant de la pêche, ciré, bottes et filets avec une drôle de prise : grenouille, dauphin, canard, nemo...


















5. Sur les chemins de l´aventure...(clin d´oeil à Marie-Lou et à Blandine).













6. Le toboggan, c´est plus amusant quand on le prend dans l´autre sens.







Je parlais dans le précédent article de l´adaptation de Solenn à la crêche et de la bonne compagnie qu´elle y trouvait. Le lendemain, j´ai été quelque peu démentie par un fait navrant : un de ses petits compagnons, sans-doute envieux d´un jouet qu´avait pris Solenn et n´arrivant pas à le lui voler, l´a mordue au front. La marque soulignait de rouge les petits crocs enfoncés récemment dans la peau fine du visage, comme un baiser vampiresque. Sur le coup je me suis demandé si notre enfant était réellement dans la classe des pêcheurs et non pas dans la classe des pittbuls. Ironie à part, je préfère presque que Solenn soit mordue plutôt que mordeuse, même si on se serait passé de l´épisode, pauvre petit bout...Elle n´en était pas moins gaie et virevoltante le soir. Les enfants ne sont vraiment pas rancuniers...ou ont une mémoire de poisson rouge, parole de pêcheur !

lundi 22 février 2010

Entrez dans la danse

Une petite vidéo des "boums" de Solenn

Le temps est toujours capricieux, gris, pluvieux, frais ou froid mais les jours rallongent et passent et s´acheminent peu à peu vers le printemps...David est revenu de Paris frigorifié, disant que le froid y avait été si pénétrant qu´il n´avait pas du tout profité de ce séjour d´autre part très occupé de travail.

Solenn, elle, s´amuse. Le froid lui réserve aussi son lot de "nez qui coule", "toux répétitive", "yeux qui pleurent" mais dans l´ensemble, ça va. La fièvre était peut-être dûe à un vaccin fait la semaine précédente ou à une dent qui pousse, mais quoiqu´il en soit, elle est vite passée.
Le carnaval, lui aussi, est passé : successivement, les enfants devaient arriver avec "la tête garnie", "un mouchoir noué à la jambe", "en pyjama", "avec une crête" puis en petits "pêcheurs". Ces festivités hivernales mettaient du soleil dans ce temps morose.
Mais le plus drôle, fut l´"informe" donné par les monitrices de Solenn à la fin de la semaine dernière, une sorte de bilan du 1er semestre pour rendre compte du comportement et du développement de son enfant dans l´environnement de la crêche. Une sorte de "bulletin scolaire" en somme. Plusieurs passages sont assez drôles, on reconnaît bien notre petite et d´autres sont surprenants, comme le fait qu´elle "s´endorme toute seule à l´heure de la sieste très tranquillement, sans l´aide d´un adulte". Alors, là, on est restés sciés. Le soir, c´est complètement impossible. Bon, il faut admettre qu´elle n´est pas entourée de 20 autres enfants qui dorment en même temps, ce qui est le cas le midi où ils réunissent les 3 classes de 1 à 2 ans. Mais quand-même...
Pour le reste on y apprend que Solenn se montre très enjouée et participative à la crêche. Quelques extraits amusants :
Relations publiques : "Quand un de ses compagnons l´embête, elle réagit en pleurant et en cherchant notre aide (= des éducatrices) mais parfois elle y retourne et en sort victorieuse, ce qui lui procure joie et fierté. A d´autres occasions c´est elle qui embête les autres. Quand elle voit qu´ils ont quelque chose qu´elle veut, parfois elle s´approche et leur tire les cheveux ou leur pince le visage. Quand on lui dit que "ça ne se fait pas et que ce n´est pas bien", elle évite de nous regarder et fait l´étourdie en cherchant une autre distraction". Plus loin, les monitrices précisent quand-même qu´elle est bien intégrée dans la classe et qu´elle respecte ses compagnons et en est bien acceptée également. Qu´elle ne montre pas de préférence, jouant plutôt à son rythme, s´intéressant aux autres à des moments ponctuels. (L ´intéraction normale, en fait, pour des enfants si petits...).
"Quand un personnage inconnu vient en classe (genre "Monsieur Carnaval"), elle ne manifeste pas de peur mais ne le quitte pas des yeux, au cas où..."
Ne me touchez pas le nez ! "elle n´aime guère qu´on lui lave le visage et les mains et essaie à chaque fois de s´échapper quand elle voit que c´est son tour".
Très communicative : "Elle s´efforce pour se faire comprendre et s´aide des gestes pour exprimer ce qu´elle veut. Quand on parle avec elle, elle prête attention et comprend chaque fois un peu plus ce qu´on lui dit. Souvent on l´écoute dans la classe car elle est toujours en train de raconter quelque chose à sa façon".
Pas trop encline à la peinture : "nous n´avons pas encore fait beaucoup de peinture mais pour l´instant ça n´a pas trop plu à Solenn. Elle montre un peu d´angoisse à la toucher. Elle a manifesté plus d´intérêt à mélanger les couleurs et à se les porter à la bouche plutôt que les utiliser pour peindre".
Très encline, par contre, à la musique et à la danse : "Elle aime beaucoup écouter de la musique et des chansons. Elle se met immédiatement à danser quand on met de la musique et elle nous fait beaucoup rire. Parfois, elle va chercher un de ses compagnons et le prend par la main pour danser ensemble et alors elle pose le rythme et mène la danse. Les autres enfants se montrent assez surpris et elle insiste un petit moment. Finalement si elle ne parvient pas à ce qui la suivent, elle continue à danser toute seule. Elle est très enjouée dans ces moments et sourit largement."
Effet "Maïa, la ninoire" : "elle joue avec toutes sortes de jeux mais sa préférence va à une petite poupée qu´on a dans la classe. Elle se l´est appropriée et les autres enfants le voient ainsi également car s´ils la trouvent dans un coin de la classe, ils vont l´apporter à Solenn. Elle se promène toute la journée avec la poupée, lui fait des bisous, la met dans le petit transat et n´arrête pas de lui parler, en se montrant très amusante."

Le "rapport" conclut en disant que Solenn est une "enfant sociable, ouverte et extravertie", "très affectueuse et qui (nous) offre une grande dose de sympathie et de tendresse chaque jour". Ouf, nous voici rassurés...Non pas que l´on craigne dans le cas d´une crêche une expulsion ou un avertissement du type "Révisez à la maison le thème de "ne fais pas à autrui ce que tu n´aimerais pas qu´on te fît" ou des repas" ou "copiez 100 fois "on ne tire pas les cheveux de son prochain"", mais c´est toujours plus soulageant de savoir que votre enfant se tient à peu près bien en société et gagne même la sympathie de ceux qui s´en occupent pendant votre absence.
Il ne nous reste plus qu´à espérer que ces bonnes habitudes de la crêche franchissent le seuil de la maison en ce qui concerne le sommeil par exemple. Pour l´appétit, c´est chose faite (Solenn a toujours bien mangé avec les autres et depuis peu, elle ne rechigne plus du tout non plus à la maison, voulant, par contre, manipuler elle-même la cuillère...). Je mettrai sous peu quelques photos et pour aujourd´hui, je mets en ligne une petite vidéo montrant cette inclination de Solenn pour la danse. Move your body, it´s the boum party !

mardi 16 février 2010

Nuits cantonaises (1) : la pluie


La pluie chuchote dans la cour. Parle plus fort sur le toit. Joue de concert avec les dés de Majong que les joueurs infatigables brassent toute la nuit. Qui aura raison de l’autre ? L’alcool de riz brûle les gorges déployées, enivrent les dalles de béton qui s’endorment sous l’eau rebondissante. Le chat blanc ne miaule pas ce soir. Il renifle derrière la cage le rat qui découvre la poubelle, sautille de joie devant le festin en ignorant les gouttes froides. Ce qu’ignore aussi la bête insouciante, c’est qu’elle figure en bonne place sur les cartes de restaurants, se vante d’être la spécialité de cette ville ; ici, on dévore tout ce qui a le dos tourné vers le soleil, et il faut croire que le soleil luit jusque dans les égouts. Lorsque repus de nuits généreuses, vient l’heure pour l’animal d’être kidnappé puis englouti dans un estomac original, le chat soupire et se questionne sur son destin hanté par la verticalité de ses barreaux. Ecoute la pluie qui enveloppe la nuit en pensant à la fille rousse du 3ème qui pense à lui. Elle lui murmure des mots lorsqu’elle rentre le soir, qui lui paraissent plus sonores que ceux de son maître. Moins chuintants. Plus lisses sous la pluie brumeuse. Il lui invente une nuit féline peuplée de pas, d’étoiles qui descendent s’abreuver dans les flaques, de rats qui jouent au chat et à la souris. Il la dessine velue et douce, blanche et rousse pour ne pas tout de suite la dépayser et l’emmène dans son royaume, fier d’avoir une cavalière lao way. Elle, elle l’a fait entrer dans son rêve à l’heure où les gouttes sonnent comme des croches de cristal sur les vases en terre sans orgueil. Il est sorti de sa cage pour jouer de l’harmonica sous la lune ; happer de ses moustaches gloutonnes les larmes de son unique spectatrice pour mieux en confier la saveur à sa complice. En le rencontrant, elle lui a touché le nez pour s’assurer qu’il était froid puis elle était repartie vers une fable humaine où l’on parlait une autre langue. Peuplade féerique dégingandée, déglinguant le réel. Pendant ce temps, d’autres rats se précipitent dans les passages obscurs tandis qu’un couple se chamaille en riant, gourmand de l’obscurité - piège de malice… Se susurrant l’improbable en se croquant un lobe d’oreille, ils ignorent cette autre fille qui pleure et s’effondre sur un banc, assise et prostrée maintenant devant le garçon resté droit, impassible statue qui baisse les yeux vers elle et ne souffle aucun mot. La scène pourrait durer longtemps si la pluie ne décidait de mettre son grain de sel à l’épisode qui s’étire au creux des soupirs. Reprenant de plus belle un rythme sourd et soutenu, elle chasse les amants dans les recoins d’immeubles gris, devant des porches épiés par un œil las caché sous un képi. Les angles deviennent l’endroit idéal pour s’arrondir comme les tortues des temples qui se chevauchent paresseusement. On entre dans la coquille de l’autre en croyant percer son intimité. Pourtant à cet instant où l’heure épouse tous les destins, seuls le chat et la rousse partagent leur dialogue onirique. Le rat gratte une dernière fois le plastique. Les dés dégringolent encore pour se replacer dans les lignes vertes, rejouant chaque fois le hasard. La pluie bat incessamment la mesure de notre pouls ralenti. Elle soupire sur les contes inachevés en attendant le balayeur matinal ; 5 heures ou peut-être 6, il caresse son corps fluide pour le plaquer dans cet horizontal cours déboussolé. Indocile, la belle martèlera encore un sol résolu à la bercer, s’ennuyant déjà de sa nocturne liberté lorsque le cycliste, en faisant sa tournée, maudira sa présence acharnée en criant aux âmes du quartier : « Mayéééé », «Gaotiang shi gié ! ! ! »[1] ; sans dérailler, il offre au ciel sa voix de basse éraillée, au chat le crissement de ses pneus et à la rousse amusée un rappel quotidien qu’elle transpose dans son dialecte : « Travaillez… ! ! ! ». Des notes joyeuses s’envolent encore de la camionnette blanche et verte récoltant les ordures ménagères pillées par les rats, bouts de vie plastifiés jetés par les fenêtres. Le véhicule fait donc marche arrière, se dit-on aux étages devant un thé frémissant, sinon on ne l’entendrait pas. Sifflements d’hommes, raclements de gorges, plumes dans les branches, un cortège bleu et blanc rejoint l’école tandis que les tout petits trébuchent, fantômes de chair titubant sur le bitume. Poésie chaque jour renouvelée, à l’heure où les gouttes s’agrippent aux boites aux lettres béantes dont les idéogrammes délavés ne refuseront pas la nouveauté …Pluie ou nuit, le silence musical n’aura écorché aucun souvenir, ni même un seul rêve. Un dernier coup de dés décidera de la position du rat rassasié, du chat mélomane, des amants essoufflés, de la rousse recoiffée, pions à la docilité mystérieuse sur le tapis diurne du hasard. Chaque jour renouvelé.



[1] pinyin très phonétique du cantonais : « Acheter ! » « Vieilles télés ! ». Musique matinale perchée sur vieux vélo rouillé : l’art de chiner.


Photo : je n´ai jamais pris la pluie la nuit en photo...ni de chat chinois. Celle-ci est la photo la plus "humide" de la collection chinoise que j´ai trouvée (en tout cas dans mes archives informatiques) mais ne correspond pas vraiment au "décor" du texte qui était la ville - Canton, l´obscurité de la nuit, l´averse subtropicale constante, le chat en cage du voisin, les joueurs de majong...tant pis, donc, en guise d´image, on retrouvera donc la brume matinale du Fujian et la rosée matinale sur la rizière...

mardi 9 février 2010

Hivernal


J´ai du pain sur la planche et des lettres administratives à écrire. La perspective me pèse, j´ai besoin de m´échapper. J´ai besoin d´écrire, depuis quelques jours déjà, cette simple phrase : "l´hiver est long." C´est amusant, je sais, cette subjectivité du temps. Chaque année, à quelques jours près à cause de cet indocile mois de février, l´hiver compte le même nombre de jours. Et pourtant, cette année, l´hiver est long. C´est même un hiver interminable.
Le climat est capricieux, le soleil est rare. Il y en a parfois, lumineux, souriant, et c´est une fête éphémère, une fête qui laisse un goût de provisoire, de rendez-vous furtif, un présage de lendemain de fête.
Il a fait froid, il fait gris. Depuis hier il pleut, il ne cesse de pleuvoir, je me suis levée cette nuit, Solenn pleurait, il pleuvait. Il était 2 heures du matin. Je la sentais chaude, j´ai essayé de lui prendre la température mais elle agitait le bras, attrapait le thermomètre, j´ai juste eu le temps de voir que quelques décimales s´ajoutaient déjà à 37, alors que l´objet n´était même pas resté en place le temps nécessaire. De mauvaise grâce, je suis descendue avec elle à la cuisine pour lui administrer une petite dose d´Ibuprofène et la faire boire. Elle répétait "Agua, agua !", enfin ça ressemblait plutôt à "Awa ", ses joues étaient rouges, ses cheveux ébouriffés.
Ce lundi commençait le carnaval, la crèche m´avait passé un petit papier avec toutes les instructions pour ces festivités, la semaine débuterait avec le premier commandement de Senyor Carnestoltes (Mr Carnaval) : "el dilluns vindràs i la cara pintada portaràs" ("lundi tu viendras et le visage peint tu porteras"). J´ai vite dû revoir à la baisse mes expectatives de coloriage, Solenn ne se laissant pas du tout maquiller ! De façon malhabile et avec beaucoup d´efforts, j´ai tracé le contour d´un poisson autour de son oeil malgré ses cris de protestation. Un poisson car elle est dans la classe des "pêcheurs" (le dernier jour de Carnaval, elle devra représenter cette profession...je pense aux poissons et pieuvres qui pourraient remplir son filet de pêche). Je me demande si un parent aura l´audace du jeu de mot et déguisera son enfant en pêcheur ou pêcheresse biblique. Mais à quoi ça ressemble ce genre de pêcheur ? En tout cas, moi, je n´ai pas l´intention de prendre Solenn en otage de mes digressions linguistiques, c´est juste l´idée qui m´amuse. Solenn en petit marin breton, c´est plus attrayant...Bon mais pour cela il ne faudrait pas que ces accès de fièvre se répètent ou empirent.

Quand je suis remontée de la cuisine cette nuit, il était déjà 3 heures et il pleuvait encore, incessamment. David est à Paris toute la semaine, je me demandais quel temps il y trouverait. Il y a un an nous étions à Paris ensemble, Solenn avait 3 mois, j´ai repensé à cela avec une pointe de nostalgie. L´an dernier, il faisait plutôt beau aussi, j´étais en congé maternité jusqu´à la mi-mars et je me souviens des ballades, du soleil, de matins lumineux. Mais cet hiver n´en finit pas, ne sourit pas. En remontant, je me disais que j´allais prendre Solenn avec moi, elle était beaucoup trop réveillée pour se rendormir rapidement dans son petit lit et moi beaucoup trop fatiguée pour veiller encore longtemps. Je lis en ce moment un livre d´un pédiatre qui, de fait, est totalement partisan du lit familial. Mais de toute façon ce n´était pas l´heure de se demander si je faisais bien ou pas ou de débattre sur l´éternelle question du "laisser pleurer" ou "ne pas laisser pleurer". Mon instinct, en fait, répond chaque nuit à cette question : "À quoi bon ?" Du moment que Solenn s´endorme dans son berceau le soir et nous laisse ce temps de lecture et d´intimité, si elle se réveille au milieu de la nuit, à quoi bon lutter contre les pleurs, laisser monter l´angoisse chez elle comme chez nous, alors qu´en la prenant tout le monde se rendort paisiblement ? Je pensais encore à cela quand je l´entourais d´un bras et que de l´autre main j´attrapais un petit pied, tandis qu´elle se blotissait contre le sein et tétait, se laissant bercer par le rythme du coeur. Elle se mettrait ensuite en diagnole ou quasiment à la perpendiculaire, se débarasserait de la couette en agitant frénétiquement ses jambes dans un mouvement de pédalier. Plusieurs fois je tenterais de la couvrir un peu puis abandonnerais, sachant que de toute façon en cas de fièvre, mieux valait qu´elle ne soit pas encombrée de trop de couvertures et couches de vêtements. Je contrôlais à diverses reprises son front et sa nuque, l´arrière du genou et le contact brûlant peu à peu laissait place à une température normale. Louve avec son louveteau, nous nous sommes rendormies et la pluie ne cessait de tomber.

Mais ce n´était pas la pluie cantonaise, puissante, libératrice. Puisque je l´évoque, je vais accrocher ici ce texte de mon "époque" chinoise. J´aimais cette pluie là. Celle-ci n´était pas hostile non plus mais laissait présager un lendemain gris, couvert, glissant. C´est le cas : ce matin, en emmenant Solenn à la crèche, j´ai dépassé deux accidents et à la radio, ils en annonçaient plusieurs autres. "C´est un hiver long, interminable" , songeais-je, tandis que je me garais devant la crèche au nom d´oiseau ("Abellerol", je ne saurais pas traduire. Un oiseau coloré qui mange des abeilles...) La consigne de Seigneur-Carnaval était simple aujourd´hui : une chaussure différente à chaque pied. Si David avait été là, il aurait suffi que je lui demande d´emmener sa petite à l´école sans même rien lui signaler et ça aurait pu marcher : plus d´une fois, j´ai retrouvé Solenn le soir avec des chaussures dépareillées, rougissant un peu de l´étourderie de son papa puis cédant aux rires avec la nounou...


Je suis repartie vers mon labeur en regrettant déjà la compagnie de monsieur Carnaval et des enfants. Avant de voir les accidents, j´avais remarqué les contours légèrement blancs de Montserrat, de la neige était donc tombée et la brume se promenait entre les formes disparates de la roche. "Je n´ai pas suffisamment de poésie en moi quand le temps est gris" me disais-je en songeant au travail et à ces lettres administratives qui m´attendaient. L´une d´elles a pour but de faire reconnaitre la double nationalité de Solenn et consiste à demander mon acte de naissance à la mairie d´Argenteuil. En me connectant sur le site, plusieurs fenêtres me signalent que mon formulaire ne peut être enregistré pour des motifs chaque fois plus surprenants : "prénom de naissance incorrect", "nom et prénom du père et de la mère incorrects", "erreur dans la date de l´événement" (l´événement c´est la naissance - il y a 2 autres choix possibles : "mariage" ou"décès", je me demande comment les morts se débrouillent avec ces formalités ...). En effet il y avait erreur, j´avais daté par mégarde l´événement à 2010 ! Avant d´imaginer voir apparaître "Ce n´est pas vous !" ou "Vous n´existez pas !", je comprends que le formulaire n´accepte ni les accents ni les prénoms secondaires. Mais même avec une version minimaliste, c´est peine perdue, un nouveau message m´avertit de façon définitive : "usage incorrect". C´est harassant les papiers, pour peu qu´on s´y colle, on n´en décolle plus. Rien ne fonctionne chez les fonctionnaires. C´est peut-être la preuve qu´on n´est pas des numéros ni des papiers...
Je retourne grignoter du pain avant d´attaquer celui qui m´attend bien sagement sur la planche et je jette un oeil par la fenêtre : du gris, un gris infini et, en reflet, des âmes grises à l´infini. C´est un hiver vraiment long. C´est même un hiver interminable.




Photos :
1 / Montserrat blanche, vue du jardin.
2 / L´etoile de Noël de Solenn que la crèche nous avait demandé de confectionner. en décembre Car, vous l´aurez bien compris, la crèche donne des devoirs (aux parents !).