mardi 6 janvier 2009

Enfants d´Afrique

Quelques rites et croyances dogons...


Je me souviens avoir vu une femme frêle, venue rendre visite à ses amis dans un village dogon au pied de la falaise de Bandiaghara, portant son bébé tout tout petit contre elle, enveloppé dans un tissu. C´était la première sortie à laquelle elle "avait le droit" après 40 jours. Il devait faire plus de 40 degrés et pourtant le petit avait un bonnet brodé. J´apprenais donc que dans le pays dogon, les femmes venant d´accoucher sont recluses dans leur case les 40 premiers jours. Au début je pensais que c´était pour la sécurité du nourrisson mais je n´en suis plus si sûre. Comme les femmes qui ont leurs règles vont dans une "case spéciale" chaque mois, j´imagine que cela répond à la même règle d´écarter socialement les femmes qui voient leur sang - la fameuse, et pénible, quarantaine post-natale - et que la protection du bébé entre en ligne de compte mais n´est pas la principale cause à cet isolement - qui doit être assez dur à supporter d´ailleurs mais cela est subjectif car les femmes dogons se sentent peut-être soulagées de ne pas aller piler le mil quotidiennement pendant ce laps de temps ! Il m´était impossible de donner un âge à cette femme car sa maigreur lui tirait les traits et elle avait plusieurs dents gâtées. Plus tard, quand on reprit la route avec Mabo et qu´elle regagnait son village dans la même direction, je remarquai une tradition locale : quand un homme et une femme se croisent en chemin et font le rituel des salutations, la femme mariée ne doit pas faire face à l´homme mais rester de dos ou de profil. Mabo m´expliquera que c´est aussi lié à une superstition du voyage : quand on prend la route, il ne faut pas se retourner mais ne regarder que devant.
Les salutations dogons sont impressionnantes ; quand on les entend en tant qu´étranger on ne retient que ce mot qui revient tout le temps : sewô = ça va ? et ta mère sewô et ton père sewô et ton frère sewô et ton grand-père, sewô etc etc sewô sewô sewô ??? Mabo me précise que même quand ça ne va pas, on répond sewô, ça va quand même, ça va quoi qu´il en soit en somme. Et le plus étrange, c´est lorsque l´on se trouve au milieu d´un groupe et qu´une nouvelle personne arrive, chacun répète ce long rituel au nouveau venu même quand tous ont entendu les réponses précédentes. Cela suit un ordre précis évidemment, le plus âgé commence ou celui qui reçoit puis les autres.

Les enfants de ces photos se trouvent devant la toguna, "la case à palabres". C´est une construction basse avec 8 piliers et 8 couches de bois rassemblés (le 8 est un chiffre sacré dans la cosmogonie dogon) où l´on vient discuter et régler les conflits, d´où l´intérêt de ce plafond si bas : en effet celui-ci a pour fonction de calmer les ardeurs des personnes en colère qui s´emportant, se lèvent brusquement et menacent de partir. Dans cet élan, ils se cognent et se rassoient d´un coup, à moitié assommés et on peut continuer à discuter en reprenant ses esprits jusqu´à trouver une solution...

En voyant certains petits Maliens, j´ai compris l´origine d´une particularité qui m´intriguait beaucoup dans les statuettes africaines : je voyais en effet un petit bout de bois de quelques centimètres qui sortait du ventre, parallèle en général à un autre petit bout de bois plus bas lorsqu´il s´agissait d´une figure masculine (et jusque là je comprenais...). Et c´est alors que je vis plusieurs enfants avec le nombril sorti, petit bout de chair protubérant, ce qui expliquait cette drôle d´excroissance sur les figurines de bois. Mabo m´expliqua que l´on coupait le cordon ombilical avec de la ficelle et non pas un ciseau et que par peur de trop couper, en général, on ne coupe pas assez, d´où cette forme de nombril - qui malheureusement peut aussi engendrer des maux de ventre, certains organes venant s´y coincer !!! Les fillettes portent parfois un collier de coquillages autour de la taille, ornant leur belle peau d´ébène...

Sur cette photo, on voit les instruments utilisés par les jeunes garçons lors de la cérémonie de circoncision : calebasses fabriquées avec des courges, tout est fait main et rangé là dans cette grotte. En dehors de ce jour, il ne faut pas en jouer car si une femme enceinte entend ces instruments résonner alors que ce n´est pas le moment de la circoncision, la croyance dit qu´elle perd l´enfant qu´elle porte. J´ai bien observé ces instruments, fascinée par leur confection artisanale mais je n´ai pas entendu le son qu´ils produisaient...Heureusement car même si je n´en avais pas encore tout-à-fait conscience, la minuscule Solenn en devenir aurait peut-être disparue parmi les légendes et les superstitions dogons...Mabo m´explique que les jeunes garçons ne doivent pas crier lorsque le vieux sage les "coupe" - au couteau ! - sinon le gros serpent qui ne sort que pour cette occasion les avalerait (Freud aurait certainement eu une interprétation de tout cela !). Une fois l´opération terminée, il y a une course jusqu´en bas du village et les prix sont les suivants : le premier reçoit deux greniers de mil, le second a le droit de choisir sa femme et le 3ème gagne une paire de chèvres. Pour les perdants, une autre épreuve est organisée, consistant en un lancer de pierres avec pour fervents supporters les grands-pères qui tentent d´aider ou de conjurer le sort. Tous les garçons vivent ensuite dans des cases abandonnées ou qu´on leur cède, le temps de construire leur propre lieu.

Dans les villages dogons, on observe - outre les cases où on vit - les greniers mâles et les greniers femelles ; les premiers ont 3 fenêtres et on y conserve le mil. Dans les seconds il n´y a qu´une seule fenêtre mais 4 compartiments où les femmes répartissent le mil, le sorgho, les cacahuètes et le fonio par exemple. Au milieu se trouve une poterie où elles conservent leurs bijoux et leur argent,les femmes dogons étant libres de gérer un petit pécule qui leur est propre. Les maisons des chasseurs sont reconnaissables aux "trophées" qui ornent leurs parois : les crânes et os des animaux qu´ils ont chassés (rats, furets, singes..), peaux de serpents ou de crocodiles et fusils fabriqués main- sur cette photo, on reconnaît quelques restes de singes. Etre chasseur c´est assez pretigieux comme pour fumer la pipe et avoir le droit d´avoir deux femmes. Mabo me dit que ce n´est cependant pas l´idéal de tout homme malien d´avoir ce privilège, les femmes se jalousant souvent et faisant de la magie noire pour porter préjudice à l´autre, voire s´empoisonner. Elles font souvent appel au marabout dans ce dessein. Pour les calmer et éviter qu´elles ne s´extirpent, il parait que l´on confie à l´une la progéniture de l´autre, leur sens maternel prenant le dessus à leurs désirs d´épouses. Je trouve ça assez dangereux comme procédé mais apparemment ça marche. Quant aux marabouts, je m´amusais beaucoup en écoutant Mabo me raconter que leur principale tâche consistait à endormir ou distraire les contrôleurs qui venaient vérifier les caisses d´un service public quand le gérant étant soupçonné d´avoir détourné les fonds. C´est un maillon à la corruption ! On peut le reconnaître facilement car il possède souvent un cheval, cadeau qu´il reçoit après une opération réussie. Ces deux "professions", marabout ou chasseur sont de libres élections. Par contre, d´autres sont réservées à des lignées comme les castes des forgerons et des guérisseurs. Les autres n´ont pas le droit de manier l´enclume et le feu ni de concocter des potions à base de plantes et racines... Je parlerai encore du rôle social du "hogon", des tisseuses et de ceux qui peignent les motifs sur les tissus dans un autre article..il y a tant à dire sur les dogons et le Mali...


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