mercredi 7 octobre 2009

Sur les routes de France et de Navarre

Je reprends donc. Je tiens à préciser, quitte à insister : j´ai d´autres écrits sous la main, Solenn n´est pas ma seule muse. Cependant, je suis confrontée à deux problèmes : l´un est graphique, l´autre temporel. Le premier en effet tient au fait que je vois mes notes dans le petit carnet qui m´accompagne chaque jour mais que mes yeux n´arrivent pas à déchiffrer ce que j´ai écrit : un tracé parfois moins hiéroglyphe que les autres me rappelle une idée, un début de phrase que j´avais effectivement gribouillé mais il est très difficile de débroussailler la jungle scripturale qui se trouve là. Le second n´aide pas le premier : je trouve difficilement le temps de retranscrire sur ordinateur ce que je note et si en plus ces brouillons sont incompréhensibles, cela ne facilite en rien la tâche. Autre souci temporel : "avec le temps va tout s´en va" et j´oublie ce que j´ai écrit, ce que j´ai voulu écrire. Bref, on n´est pas sorti de l´auberge.

Alors, comble de l´absurdité, je vais au plus vite, au plus présent : j´écris sur celle qui m´empêche d´écrire le reste du temps !!! Solenn par-ci, Solenn par-là, je vois de là venir les commentaires rieurs et ironiques d´amis - en particulier ceux que les enfants ennuient énormément, mais tant pis c´est ainsi, je sais que ça fait plaisir à certains et c´est donc déjà ça. Vivre loin nous apprend à tisser ces liens invisibles à travers des mots : si texte et tissu ont la même racine étymologique, ce n´est certainement pas par hasard. De fait, je réalise que lorsqu´on me dit "j´ai été faire un tour sur ton arbre à plumes et je n´ai pas vu de nouveaux articles", indirectement ou directement on me dit "tu n´as pas donné de nouvelles récentes de Solenn, mets nous des photos !" et je dois donc bien me rendre à l´évidence que cet arbre est devenu provisoirement un journal de maternité - "mi bebe y yo" en blog !!! - et que plus personne ne semble y attendre les textes liés au voyage ou à l´imaginaire qui en constituait avant la sève. Alors assumons et étanchons la soif de nouvelles dont certains ont la générosité de nous faire part. La petite-reine-soleil est après tout un sujet très intéressant.

Pour élargir ce champ monothématique, je vais raconter quelques bribes des séjours passés à droite à gauche et parler de ses petits amis, avec qui elle grandit de loin en loin mais que l´on essaie de voir tout-de-même avec une certaine régularité. Les kilomètres ne font pas peur à personne dans cette famille : depuis sa naissance, le petit soleil a pris 8 fois l´avion (4 allers-retours entre Paris, Barcelone et Lisbonne), connaît comme sa poche le sud de l´Aveyron, le Lot-et-Garonne, Toulouse, la Cerdagne, le Pallars Jussa. Voiture, train, métro, bus, bateau, avion, poussette, aucun transport n´a de secret pour elle. A Saint Sever, la miss connut sa première Buffatière "extra-utérine" (car nous y étions aussi l´an dernier) et ne fut absolument pas déroutée de voir tous ces individus grimés en chemise et bonnet de nuit blancs (la première photo en haut qui, il faut l´avouer, peut consterner le chaland qui passerait par là par hasard). Elle applaudit la fête, ainsi que la fanfare, vue à deux reprises : la Bérézina porte mal son nom, elle cumule les succès et déchaîne les foules, de 7 à 7777 mois. Marie-Lou - notre incomparable hôte avec le doux Philippe - fut de nouveau son "coach" personnel (lors du premier séjour saint severois en avril puis durant leur visite en Espagne en mai, ce fut déjà le cas, l´entraînement étant à l´image de la pédagogue que Marie-Lou n´a jamais cessé d´être) : le matin pendant le petit-déjeuner, elle installait des chaises à distances variées afin de voir comment notre petite apprentie en mobilité se débrouillait. Puis nous l´observions passer certains obstacles avec brio, comme la barre de bois sous la grande table familiale - la seule photo qui en atteste a été prise par Marie-Lou et montre Solenn s´écrasant au sol après avoir mal coordonné toutes les flexions et étirements nécessaires à l´opération (on ne la publiera donc pas afin de ne pas contredire le "brio" mentionné ci-avant et pour éviter que Solenn, à l´âge de l´adolescence, ne nous intente un procès pour "violation de sa dignité dans le droit à l´image"). Nous passâmes quelques après-midis également à développer son sens artistique en l´emmenant à la construction insolite et au tout nouveau "Musée des Arts Buissonniers" que les Nouveaux Troubadours ont inauguré sous l´impulsion de Pol - la continuité en fait de plusieurs éditions de l´expo "Un monde de Bruts". Et bien, même lorsque je la laissais dormir derrière les deux gorilles sculptés par Kourajek (orthographe incertaine), Solenn ne se réveillait pas en poussant des cris d´horreur.
Après Saint Sever, nous nous rendîmes à Moncouët où vivent Nico et Catherine. Ce fut un plaisir de revoir Lilo et Kyra, les jolis jumeaux, qui ont acquis un certain sens de la discipline si on les compare à notre petite anarchiste (mais, je le répète, tout est dans l´éducation) : ils mangent bien, ils se couchent tôt, ils dorment toute la nuit, ils pleurent "piano piano", bref ce sont des z- amours (Solenn aussi ceci dit mais en sautant tous les premiers critères).

Pour confirmer qu´à deux, ce n´est pas pire qu´avec un seul, nous avons également été voir, un peu plus tard en septembre, les frérots Anatole et Camille. Le second était un peu effrayé par Solenn- l´entreprenante (qui, à 6 mois, tirait sur sa fermeture éclair et, à 10, lors d´un bain partagé, lui attrapait le zizi - "forcément, c´est intriguant ce qui dépasse là et que moi je n´ai pas !!!"). Anatole a une mémoire impressionnante et un don pour le langage : à 3 ans, il parle de façon très précise et a un vocabulaire qui ferait pâlir les linguistes en herbe. Sa fréquentation est donc tout-à-fait recommandée pour notre petite bavarde. J´ai oublié de dire hier que si à 9 mois, Solenn prononçait des mots plus ou moins intelligibles (sinon reconnaissables), en ce moment elle ne les utilise qu´occasionnellement (à part le "au-wa" car visiblement elle tient à ce que les gens se cassent) et a forgé son propre langage dont elle est la seule à maîtriser les codes. Elle dit plein de choses, à toute vitesse et sur tous les tons mais ça ne ressemble plus vraiment à des signes connus (le signifié a lâchement abandonné le signifiant, dirait Saussure) et le tout s´apparente à du japonais (pas à du chinois, je vous assure, sinon j´aurai encore une petite chance de capter un ou deux mots...). J´ai également oublié de dire que le mot "maman" était aussi entré dans son dictionnaire personnel (peu après ou relativement simultanément à "A-dar" mais on ne reviendra pas là-dessus) et qu´il se confond parfois avec la forme "Miam-miam" : car la maman, bien entendu, ça se mange... (en réalité, elle dit "maman"-"miam-miam" quand elle voit apparaître le sein nourricier magique et elle identifie donc clairement sein=maman=à table! ou, dans un autre ordre maman=sors mon petit cubis de lait=mmm, j´ai faim!) Mais évidemment elle ne dit pas "maman tiens, eu-gad A-dar miam miam down baba" ou, qui sait, peut-être mais dans son japonais (car elle a l´air très convaincue de ce qu´elle raconte). Et, toujours plus intéressée par l´espèce canine que les tristes humains à deux-pattes, elle fait "ah ah !" pour imiter l´aboiement mais le généralise à tout ce qui est "+animé - humain +animal", en rencontrant par exemple un chat ou un pigeon.

Cela dit, je dois avouer une certaine fierté à avoir constaté que ses premiers "mots" ont été balbutiés en français (la langue miam-miam-ternelle bat à plat de coutures la langue ba-ba-ternelle, eh eh...). L´été, l´Aveyron, le Lot-et-Garonne, Paris puis la bonne fréquentation d´Anatole ont peut-être aidé à mettre un petit peu d´ordre dans ce brouillard linguistique car je me rends compte à présent que la reprise de la crèche et le bain quotidien dans un environnement plus catalan ont tout-à-fait obsurci la compréhension jusque là établie (c´est un des travers de cette "normalisation linguistique" ici qui transforme les plus grands défenseurs de la langue en véritable "cat-libans" et plus personne ne comprend rien !!!). Quant au langage non verbal, elle maîtrise à merveille le salut de la main (on ne répètera pas ici qu´elle met un point d´honneur à ce que les gens dégarpissent), montre du doigt - très malpoli -, met à l´oreille des objets ressemblant à un téléphone, envoie des bisous (imite aussi, comme quand deux amoureux s´embrassent dans le métro et là, c´est la mère qui se sent gênée !), souffle, toussote, frappe des mains, danse...A Paris, elle fut admirative devant Nathanaël qui, pour fêter ses un an le 10 septembre, a honoré l´événement en se mettant à marcher (quelques jours avant). Ce ptit gars, qu´elle avait déjà rencontré le jour de la Saint Valentin, est tout-à-fait de son goût. Grâce à cet anniversaire, elle a pu goûter son premier bonbon Haribo, Mathilde (la maman) ayant la bonne idée d´enfreindre la loi du "no sugar" scandé par les pédiatres car si les parents lèvent les interdits, on peut miser qu´il n´y aura plus aucun intérêt pour les enfants de le faire. Et puis, 1 an, c´est un âge symbolique pour ouvrir les portes de la caverne d´Ali-baba au royaume alimentaire...Alors, même quand on est un poil plus petite, on peut se permettre de faire comme les plus grands.
Dans la sphère des vraiment plus grands cette fois, on a revu ensuite les cousins Owen et Melvin avec leur papa chez papy et mamie. Une photo de famille dans le jardin méritait d´honorer ce court passage.
Je ne sais plus si j´ai mentionné que sur l´arbre généalogique de la famille maternelle, Solenn est quelque chose comme la 242ème descendante de ses arrière-grands-parents Marie-Louise et Eugène Charbonnier. De quoi ne pas se sentir isolés ! Ma mère m´avait également appris qu´elle était née pile 100 ans après Françoise Dolto - le 06 novembre 1908 - et que cette année-là avait également vu naître Soeur Emmanuelle et son arrière grand-mère paternelle (à Solenn, pas à Emmanuelle), Marie, le 07 décembre. Nous verrons si ces dates cycliques prédisposent Solenn aux profondeurs de l´âme psychique ou mystique ou lui donnent le talent de conteuse de feu Marie Bernard (et non Sarah), quoi qu´il en soit pour l´instant elle est davantage portée à l´action qu´à la réflexion !

A part ça, Paris fut aussi l´occasion d´aiguiser un peu plus le sens esthétique de la demoiselle, sous la gouverne d´un spécialiste en la matière, notre ami Jean-Michel. La Halle Saint Pierre est pour nous un lieu de rendez-vous assez rituel et nous avons eu la chance d´y voir cette fois une expo sur Chomo (dont des peintures que nous méconnaissions totalement). Sur cette dernière photo, ce n´est pourtant pas des oeuvres de ce drôle de bonhomme qui avait construit son refuge imaginaire au coeur de la forêt de Fontainebleau que Jean-Michel lui montre mais celles d´un artiste polonais dont j´ai oublié le nom...mais qui était là ce jour-là et qui avait l´air adorable, discret, souriant, humble...Il avait également de très beaux tissages.
Tissons tissons textes et fils de la mémoire, ouvrages du temps et bobines colorées des jours et des soirs...

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